Réunion de Mani Ratnam et Kamal Haasan pour ‘Nayakan’

Juste après l’entracte, Thug Life prend une tournure de scénario si rapide et si peu crédible qu’un maître de la direction comme Mani Ratnam et une légende du cinéma comme Kamal Haasan, qui se retrouvent 38 ans après le succès marquant de Nayakan, ne parviennent pas à la rendre convaincante. À partir de là, le film dérive lentement. Les émotions cèdent la place à l’action. Des explications précipitées sur ce que l’on voit sont fournies par le biais de l’exposition ou d’une voix off. La logique sort du cadre.

Un personnage clé est menacé, mais malgré le danger évident, tout le pouvoir qu’il détient et les sbires sous ses ordres, il se retrouve à conduire seul dans la scène suivante sur une route déserte, où, évidemment, il reçoit ce qui l’attend. Les malfrats engagés pour le tuer arrivent avec des machettes au lieu de pistolets. Il y a même une réunion de famille qui paraît si maladroite et conçue qu’on peut presque visualiser le réalisateur déplacement ses personnages comme des pions sur un échiquier.

Thug Life

Résumé

Un bon début se termine en déception.

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Date de sortie : Jeudi 5 juin
Distribution : Kamal Haasan, Silambarasan, Trisha, Abhirami, Nassar, Aishwarya Lekshmi, Ashok Selvan, Joju George, Ali Fazal, Mahesh Manjrekar
Réalisateur : Mani Ratnam
Scénaristes : Kamal Haasan, Mani Ratnam
2 heures 45 minutes

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Ce qui est vraiment frustrant, c’est qu’avant ce moment, Thug Life est captivant.

Ratnam, s’appuyant sur une histoire de Haasan, présente un récit familier mais résonnant entre un père et son fils. Dans Nayakan, Haasan incarnait Velu Naicker, le fils adoptif devenu criminel. Dans Thug Life, il joue Rangaraya Sakthivel Nayakar, le père adoptif qui affirme qu’il est destiné à être un criminel. Les deux personnages commettent des meurtres dans leur jeunesse et trouvent du réconfort auprès de femmes anciennement prostituées. Mais contrairement à Velu, Rangaraya n’est pas lourdement accablé par sa conscience. C’est un homme qui apprécie le pouvoir qu’il exerce.

Il est impitoyable et imposant, mais aussi imparfait et vulnérable — ce qui rend ce drame de succession criminelle si captivant. Le récit est riche de personnages qui tuent sans hésitation, mais aiment aussi, rient, et se disputent. Ils sont sujets à la colère, à la jalousie, à l’insécurité. Dans une scène magnifiquement orchestrée, Rangaraya, son fils adoptif Amaran (Silambarasan TR) et son frère aîné Manickam (Nassar) discutent d’un partenariat avec un rival, et lorsque chacun s’adresse à Rangaraya en l’appelant frère, il réagit avec colère en demandant qu’on ne l’appelle pas ainsi. Cela pourrait être un conflit dans n’importe quelle famille, sauf que ces hommes sont des meurtriers.

L’affection entre Rangaraya et sa femme, Jeeva (Abhirami), a une texture authentique. Leur lien est si fort que même les infidélités de Rangaraya ne peuvent le briser. Lorsque ses actions la blessent, il qualifie son adultère de maladie, comme on pourrait parler de diabète ou d’hypertension. C’est une explication faible, dédaigneuse de sa douleur, et un acteur moins talentueux n’aurait pas pu transmettre une telle impassibilité. Mais Haasan le fait avec une telle aisance que nous pouvons, elle et nous, lui pardonner.

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L’acteur a de nombreux moments de puissance et de grâce. Attention à une scène où il admet avoir tort et demande pardon avec une excuse maladroite, car Rangaraya n’a pas l’habitude d’être dans cette position. Ou la façon dont il danse sur « Jinguchaa », une chanson dont il a écrit les paroles. C’est un plaisir à regarder.

Silambarasan est également un partenaire de jeu impressionnant pour Haasan. Leurs interactions débordent d’émotions : affection, haine, douleur. Cependant, l’arc d’Amaran perd en intensité après l’entracte, ce qui rend difficile de s’intéresser à sa détresse.

Toutefois, la bande originale somptueuse et envoûtante de A. R. Rahman ajoute de la profondeur, notamment avec la touchante « Anju Vanna Poove », qui est égrainée tout au long du film. Le directeur de la photographie Ravi K. Chandran apporte grâce et intensité aux images, en particulier dans une séquence en noir et blanc se déroulant dans le passé.

Malgré tant de qualités, Thug Life peine à atteindre des sommets, principalement en raison d’un scénario flottant avec une écriture inégale. Le scénario déçoit ses personnages, surtout les femmes — Jeeva ou la maîtresse de Rangaraya, Indrani (Trisha), auraient pu être bien plus développées. Il y a une scène où Indrani est assise sur les marches de sa maison, son regard se fige soudain, car elle comprend pleinement sa place dans ce monde. Mais j’aurais souhaité que son arc soit plus riche et que le film explore plus en profondeur le lien passager et transactionnel qu’elle entretient avec ces hommes.

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Devriez-vous voir Thug Life ? Oui, car tant de maîtres sont à l’œuvre ici. Mais allez-y en étant conscient que même si le film a des étincelles qui brillent temporairement, elles ne s’embrasent jamais en un feu glorieux.

Et laissez Nayakan derrière vous. Peut-être que personne, pas même Ratnam et Haasan, ne peut égaler cette poésie.

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3 avis sur « Réunion de Mani Ratnam et Kamal Haasan pour ‘Nayakan’ »

  1. Je suis d’accord avec ce qui a été dit précédemment, mais il faut admettre que l’auteur a couvert l’essentiel, non ?

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